L'épargne et les petits

Ces temps-ci, on parle d’argent à la maison. Est-ce que j’ai dit « on »? Non, en fait je fais un monologue sur l’argent. Je parle toute seule. Je veux que les filles passent à une vitesse supérieure (billet prochain) et le leur fait savoir. Elles ont beau faire semblant de ne pas écouter ou de feindre le désintérêt, je ne me laisse pas berner. Je suis certaine qu’il y a une étincelle de curiosité.

Pas facile d’intéresser les jeunes aux concepts abstraits de l’épargne. Par où commencer, quels mots utiliser. Quelques fois, il faut vulgariser et adapter notre langage à celui de la génération « msn ». Il s’agit aussi d’une lutte de pouvoir : d’un côté, il y a moi qui parle d’argent et de l’autre, il y a Vrak et ses insignifiances. Voyez comme c’est injuste?

L’épargne à la petite enfance

Comme je ne discutais pas ouvertement de mes finances personnelles, mes filles ne savaient pas que j’avais plus de dettes que d’épargne. J’avais donc le loisir de prêcher le bon sens, plutôt que l’exemple et ça a bien fonctionné. Fort heureusement! Aujourd’hui, je sais qu’elles ont une idée positive de l’épargne.

Caisse scolaire ou l'art de créer des incitatifs

À l’époque, je donnais 5 $ par semaine à Sophie et Laura. De l’argent de poche. Avec cet argent de poche, elles avaient l’obligation d’en économiser une partie et de conserver le reste pour leurs petits désirs personnels. La somme qu’elles allouaient à l’épargne relevait de leur décision personnelle. C’était clair et simple. Elles reçoivent de l’argent, en autant qu’elles en économisent une partie. C’était il y a quantre ans et à ce moment, elles ont ouvert leur 1er compte avec Desjardins, à la Caisse scolaire.

La Caisse scolaire est un point de départ extraordinaire pour inciter les petites personnes à développer le goût de l’économie. Je ne crois pas qu’il faille négliger l’impact social que le petit livret bleu a sur la psyché des enfants. Je n’ai pas non plus jugé de la somme qu’elles décidaient respectivement d’y mettre. Des fois, c’était 1,00 $. Mais bien plus souvent, c’était 3$ ou 4$ !!!! C’est plus de 60% de leur petit revenu! Le principe s’appliquait aussi lorsqu’elles recevaient de l’argent en cadeau.

En adhérant à la Caisse scolaire, l’un des avantages non négligeable dont elles profitaient, était une participation automatique à un tirage que la caisse effectuait à chaque période de dépôt. Si leur nom était tiré, la Caisse égalait la somme déposée par l’épargnant et leur remettait dans leur compte. Et chacune d’elles a gagné plusieurs fois leur dépôt!

Les intérêts gagnés et déposés dans leur compte… Wow, comment on explique ça à des petits? « Pour te remercier de mettre tes économies à la Caisse, celle-ci t’offre un cadeau. De l’argent « gratuit » à chaque mois! Plus tu as de l’argent dans ton compte, et plus le cadeau est important! » Ça aussi c’est un bel incitatif, car les petits, ils savent reconnaître que 0,41 $ c’est une fortune!

L’autre incitatif à l’épargne que je considère tout aussi important, c’était qu’elles puissent utiliser le fruit de leurs efforts à des fins personnelles qui leur tiennent à cœur. Je serais insensée d’exiger qu’elles ne touchent pas à cet argent jusqu’à leur retraite.

À 8-10 ans, on ne peut leur demander de garder cet argent à la banque pour leur « futur », alors que leur perception du futur, c’est demain. Mes besoins ou mes désirs ne sont pas non plus leurs besoins ni leurs désirs.

Elles ont donc profité d’occasions exceptionnelles qui leur ont permis de « ressentir » concrètement le pouvoir de leur épargne. Entre autre, nous avons voyagé plusieurs fois. Dans le sud, aux États-Unis. Elles ont fait des retraits d’argent substantiels, 10 $, 50 $, 100 $, tout en laissant une somme dans leur compte. Elles ont nagé avec les dauphins, elles ont acheté des souvenirs de voyage, elles ont offert des présents lors d’anniversaire. L’utilisation de leur épargne a été réfléchie.

L’épargne, c’est pas poche!

Comme je n’avais pas envie qu’elles perçoivent l’épargne comme étant une action austère et restrictive, j’ai toujours considéré important de mettre les filles à l’avant-plan dans ce processus. Et ce qui était bon à la petite enfance est encore très bon aujourd’hui, maintenant qu’elles amorcent l’adolescence.

• Elles ont la responsabilité d’envoyer une partie de leur revenu à l’épargne.
• Elles possèdent le pouvoir exclusif de décider de la somme qu’elles destinent à l’épargne.
• Personne n’a à juger de leur capacité d’épargne.
• Elles ont aussi la possibilité d’en user selon leurs besoins et leurs désirs.
• Personne n’a à juger de l’utilisation qu’elles font de leur épargne, en autant que la décision soit réfléchie.

Concrètement

Je suis certaine que cette façon de faire a eu un impact majeur chez mes enfants. Je leur ai octroyé un privilège (argent de poche), assorti d’une condition (obligation d’économiser) sans juger de la somme allouée à l’épargne (responsabilité et respect). En échange, elles profitent du reste de leur argent de poche et ont la possibilité d’utiliser leur épargne pour des désirs plus extravagants, sans que j’aie à juger de ces désirs.

Aujourd’hui, lorsque nous allons à la Caisse effectuer un dépôt ou un retrait, j’éprouve une très, mais très grande fierté. Pour Laura, comme pour Sophie, c’est chacune d’elle qui est devant le caissier, qui parle, qui demande, qui reçoit, qui signe, qui remercie. Je suis derrière elles, au besoin.

Il y a bien eu 4$ de bonbons pour 1$ d’économie. Mais comme un deal, c’est un deal, je n’avais pas mon mot à dire. Mais à la fin, c’était 2$ qui moisissaient dans le fonds du portefeuille pour 3$ envoyé à l’épargne, et il n’y a plus de bonbons!

* Cliquez pour obtenir de l’information sur la Caisse scolaire : un projet pour les écoles primaires.

Charlotte