samedi 18 août 2012

Le cauchemar – 2e partie

De mon point de vue, je suis une personne très forte. Solide. Je suis rationnelle et réfléchie. D’un autre point de vue, mes filles pourraient vous dire que je suis prompte à l’hystérie. C’est discutable.
On se rappelle que M. Blatte, mon nouveau propriétaire, m’ayant fait la «faveur» de me louer son logement chéri, est sur place pour me souhaiter la bienvenue d’une remarquable manière! Il expose une série d’outrages faits à son immeuble; un peuple entier de sauvages fout le camp laissant derrière eux une baignoire dysfonctionnelle et des fuites d’eau inexpliquées. M. Blatte termine son allocution, sur le ton de la confidence.

«Ah oui! […], je dois vous mentionner qu’en mai dernier, les locataires m’ont informé de la présence de coquerelles… »

Cette fois, je suis sans voix. Mes oreilles bourdonnent. Je sens sourdre la colère. Je vois l’inquiétude dans son visage lorsqu’il réalise combien je suis interloquée et en colère. Sonnée.

«Mais ne vous inquiétez pas! Dès que j’ai su, j’ai fait venir un exterminateur! Il a fait un traitement garanti pour 6 mois! J’ai la facture si vous voulez la voir!»

Bien évidemment, il farfouille inutilement dans ses poches à la recherche d’une facture inexistante, supposée calmer mes battements de cœur. Et il continue son baratin…

«6 mois de garanti! Je vous assure! Un produit révolutionnaire! Un seul traitement! Je vais vous montrer la facture!»

«La ferme!!!» J’ai presque hurlé. Je tente de maîtriser ma colère, je me laisse rarement emporter par mes émotions, n’est-ce pas? Solide, man. Je l’ai offensé, mais il reprend sur lui, un soupçon de condescendance.

«Mme Charlotte. Ne vous inquiétez pas voyons. La situation est sous contrôle. Certes, les locataires ont bien trouvé quelques coquerelles vivantes en déplaçant le frigo tout à l’heure, mais elles vont mourir, c’est certain! L’exterminateur m’a assuré que le traitement était garanti pour 6 mois. Et si vous en trouvez, vous n’avez qu’à m’appeler et il reviendra voyons.»

«M. Blatte. Je suis profondément choquée d’apprendre ça. Je crois que vous auriez dû me le dire bien avant mon déménagement. Je déteste les insectes! Que dis-je, j’ai en horreur toutes les putains de bibittes!!! Et vous m’annoncer que je vais devoir vivre avec des c-o-q-u-e-r-e-l-l-e-s!! Est-ce que vous réalisez que je vais devoir partager le logement avec ça!! »

Je suis en colère. Je me sens impuissante et je n’arrive pas à réfléchir.

«Que vais-je faire pendant 6 mois??? À surveiller que le traitement fonctionne? Où vais-je mettre mes meubles et mes boîtes pendant ce temps-là? Si je dois laisser le traitement et les produits en place, quel putain de nettoyage vais-je bien pouvoir faire?? Répondez à ça!»

Embarrassé, il répond : «Bien, vous pourriez nettoyer les deux premières chambres et y mettre vos choses durant ce temps-là…? Evidemment, il faudra laisser les produits en place….»

«M. Blatte, vous me décevez. Je vais devoir vivre dans une merde parce que vous avez merdé de prendre les choses en main avant. Je vais revenir avec mes choses tout à l’heure, mais croyez-moi que vous ne dormirez pas souvent. Si je n’en vois qu’une seule, vivante, vous êtes mieux de répondre à chacun de mes appels. Est-ce clair? Je me fous complètement du nombre de fois que l’exterminateur devra se déplacer ou de combien cela va vous coûter, mais croyez-moi, il est mieux de se pointer à chaque fois! EST-CE CLAIR M. BLATTE??»

«Oui Mme Charlotte».

Livide, je retourne à ma voiture. Apeurée, impuissante. En route pour la maison, je raconte ce qui vient de se produire à mon neveu et son cousin. Ils ont toutes les réactions que je devrais avoir : ils insultent le propriétaire, les locataires en place, ils dénoncent la foutue mondialisation, ils tapent du poing, me promettent de tous leur casser les jambes… Que ça fait du bien!! Se sentir soutenue, c’est magique, ça fait son effet.

En arrivant à la maison… maison… sécurité… pas de bibittes… , j’ai retrouvé un peu de mon aplomb. Dans un silence de mort, je fais le compte rendu de la situation. Je vous passe les détails des réactions de mon clan. Nous nous activons, je double le scotch de toutes les boîtes. Je ne laisse aucun interstice. Dans ma tête, la guerrière prend le dessus, le combat s’amorce. La trouillarde en moi, vient quand même s’en mêler : «S’ils ont survécu à l’ère des dinosaures, qu’est-ce que quelques mètres de ruban adhésif pourront y faire…»

Prélude à l'enfer


Aux alentours de 18h, démoralisés, fatigués, le trailer bien rempli, nous arrivons au logement maudit. Je constate à notre arrivée que les locataires n’ont toujours pas terminé. Toutefois, dans leur grande bonté, ils ont dégagé les pièces du devant, nous permettant d’y stocker mes biens. Pour leur part, ils continuent de s’affairer par la cour de derrière.

Je ne veux pas entrer. Je reste près de Maman à l’extérieur. Tels de valeureux soldats, Benny, Tio, mon neveu et son cousin partent en éclaireur et pénètrent dans l’antre de l’ennemi.

Benny en ressort rapidement, en état de panique avancé. Je fais comme si je n’avais rien vu, je suis bonne pour ça. Benny panique pour peu de choses, alors, je n’y accorde pas mon attention. Je ne le veux pas.

«Charlotte! Faut que tu viennes voir! Charlotte!?»

Non. Non. Non. Non. Non.

Neveu et Cousin ressortent également, recherchant leur souffle. Tio suit de près. Il s’éloigne et s’allume une cigarette. Merde… Je ne veux plus les regarder et je tente de m’incruster dans la passionnante conversation sur la pluie et le beau temps que Maman tient avec notre conducteur.

Neveu prend son courage et m’empoigne le bras. Il m’oblige à lui faire face. Ce qu’il est beau… Avec l’air qu’il a, je ne crois pas que c’est le temps de m’extasier.

«Charlotte. Il faut que tu entres. Viens, on va y aller ensemble.»

Je veux m’agripper à ma maman… comme une fillette. Mais je ne le ferai pas, Neveu m’entraînant fermement derrière lui. C’est magnifique, il est devenu un homme.

Je jette un œil rapide dans la première chambre. C’est… franchement sale. Dans le silence absolu, je le suis. Devant la deuxième porte, il me laisse prendre les devants et m’aide à faire face à la pièce. Je regarde la pièce.

Je suis figée. Je ne me sens pas bien. J’ai la tête qui tourne et j’entends mes battements de cœur dans ma tête et mes oreilles. Je n’arrive plus à bouger. Mes bras ne veulent pas se soulever. Je vois des points noirs devant mes yeux. «Rationnalise, rationnalise. Analyse ce que tu vois», que je me dis. J’ai le souffle coupé. Ah pour ça, je rationnalise : «Si je n’arrive plus à respirer, vais-je m’empoisonner? Est-ce que c’est comme ça qu’on s’évanouit? Je ne veux pas m’évanouir. » Mes pieds ne veulent pas bouger. Je commence à trembler, c’est incontrôlable. Non mais, je n’ai jamais tremblé de ma vie et me voilà que la seule comparaison qui me vient, c’est une feuille. «Qu’est-ce qui tremble plus qu’une feuille?» J’ai froid, j’ai chaud. Je sens chacun de mes pores se dilater, la sueur poindre. Et mon cœur! Il bat tellement fort! Je tremble si fort! Je n’arrive pas à réfléchir, je suis tellement dans ma tête, dans mon corps. Et je n’arrête pas de me demander ce qui va arriver. «Tomber dans les pommes, c’est la prochaine étape? Je n’ai qu’à me laisser tomber et fermer les yeux, c’est ça?»

Voici ce que mes yeux ont vu et que mon cerveau a refusé d’interpréter : de la moisissure noire.

À grandeur de la pièce. Dans le bas des murs. Le contour des fenêtres. La destruction complète des lambris. Le poison. Partout.

Quelqu’un me sort de là. Telle une automate, je suis. Je me retrouve à l’extérieur et je ne respire toujours pas. C’est Maman que m'a tiré de là. Elle gesticule, son regard est dirigé vers moi. Je n’entends pas. Pourquoi je ne l’entends pas? Elle s’adresse à moi, me secoue et je ne comprends rien.

«… ne rentreras pas là. Focus, ma fille. Focus. Charlotte, m’entends-tu? Comprends-moi : tu ne mettras pas les pieds là. Comprends-tu? Tu ne rentreras pas là. On va s’arranger, il est hors de question que tu mettes quoi que ce soit là. Charlotte? Tu ne vivras pas là-dedans! On va s’arranger».

Et là, je reviens sur terre. Merci mon Dieu, merci Maman, l’air s’engouffre dans mes poumons, je ne vais pas m’évanouir! Je tremble toujours, mais j’ai entendu Maman. Je reviens à la vie.

«D’accord».

La saga n'est pas terminée, loin de là...

20 commentaires:

  1. OUF! Sans Mots! Quelle aventure horrible!
    C.

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  2. scénario de film d'horreur... autobiographique...je frissonne de dégout !!!
    Maryse

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  3. Oh my god... C'est l'enfer! Je suis allergique aux moisissures, et même si tu ne l'est pas, c'est très dangeureux pour la santé.
    Lyne

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  4. Ca pas de bon sens.... my god!!! J'espère qu'il y a eu une solution a ce problème

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  5. oh mon dieu!!! c'est l'horreur...j'espère qu'il a trouvé solution et qu'il rénovera au plus vite!!! Car personne ne peut habiter dans un endroit comme ça.... Bonne chance et j'espère que tout rentrera dans l'ordre.
    diablo-nancy

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  6. OMG fi de ce bail tu peux le casser n'importe quand j'en suis certaine!! Tu es dans ce logement????? Je me peux plus de savoir la suittttte!!!!!!!

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  7. Digne d'un film d'horreur, ça pas de bon sens et le propriétaire te dira certainement qu'il était pas au courant et bla,bla,bla,bla...voyons donc c'est rire du monde ça, louez un taudis pareil. Pauvre chouette. J'adore te lire et suis contente de ton retour, mais ouf c'est pas facile ce que tu vis en ce moment, mais j'ai hâte de voir la suite de cette horreur.

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  8. Je suis vraiment désolée pour toi. Et-ce que ce n'était pas la pièce où, soit disant, quelqu'un dormait lors de ta visite ?
    J'ai hâte de savoir la suite ...

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  9. Yark encore! On a eu le même problème de moisissures quand on est entré dans un appartement habité par 6 personnes, dont 5 adultes (dans un 4 1/2!). Alors qu'on pensait avoir trouvé l'appart parfait nous aussi...

    J'espère vraiment que tu n'y habites pas!

    Tu as vraiment le don de raconter les choses. Contente de ton retour!

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  10. Charlotte, je te suivais avant ta petite pause et tu m'avais inspirée dans l'économie et l'écriture!
    Je venais souvent faire mon tour sur Ça coûte un bras afin d'avoir des nouvelles et je suis charmée de voir que la plume a repris du service.

    Même si ta mésaventure est cauchemardesque, j'adore le style d'écriture que tu proposes. Il est enlevant! La façon dont tu as de décrire les scènes! pfiou! Une chance que tu es de retour!

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  11. J'attends la suite de ton histoire avec IMPATIENCE!!!!

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  12. Bien hâte de lire la suite...
    C.

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  13. Allez Charlotte, raconte nous la suite! La façon dont tu racontes ton histoire est captivante! Dis nous que tout va bien, que tu vas bien...

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  14. Charlotte la suite la suite.. tu peux pas nous faire ça!

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  15. J'ai bien hâte de lire la suite aussi. Je viens vérifier ton blog chaque jour pour voir si un nouvel article a été publié!!!

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  16. Je suis incorrigible!!! Je vous arrive avec la suite ce week-end!

    Votre patience est mise à rude épreuve... ;-)

    Charlotte

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  17. Bien hâte de lire ça!! Je regarde chaque jour pour du nouveau
    C.

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  18. Je déteste les coquerelles! J'ai du fait venir l'exterminateur moi aussi. Ca fait deux ans depuis qu'on a eu des problèmes. Merci d'avoir partagé votre expérience.

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